On ne pensait pas forcément vous partager tout de suite une autre interview de couple tourdumondiste, mais le hasard des rencontres en voyage en aura décidé autrement. On a fait la connaissance d'Émilie et Taylor durant l'automne 2021, pendant notre roadtrip de 2 mois en Bretagne alors qu'on écrivait notre nouveau livre Randos Bière en Bretagne.
Ils rentraient tout juste de leur tour du monde, effectué en pleine pandémie du Covid, et ils nous ont contacté pour nous proposer de prendre un verre dans ce qui s'est avéré être le meilleur bar à bières artisanales de Bretagne (le Mar'mousse à Saint-Brieuc). Il n'en fallait évidemment pas plus pour nous convaincre et on leur propose plutôt de nous accompagner pour une rando bière à Saint-Brieuc histoire de faire plus ample connaissance.
Le courant passe vraiment bien entre nous et ils nous invitent encore chez eux le lendemain soir (et nous cuisinent les meilleures galettes de notre voyage avec du caramel au beurre salé maison svp!). On a passé encore une super soirée à échanger sur nos expériences de voyages autour du monde, à rigoler, boire quelques bières... On doit bien avouer que ce genre de rencontres spontanées nous avaient manquées pendant le Coco!
Du coup, comme Émilie et Taylor font partie des rares personnes à être parties en tour du monde en plein Covid, on s'est dit que ça pourrait être intéressant de leur poser quelques questions et qu'ils partagent ainsi leur expérience de voyage avec vous.
Expérience de tourdumondiste avec Émilie et Taylor
Hello à tout les deux,
Est-ce que vous pourriez vous présenter rapidement et nous dire ce que vous faisiez dans la vie avant votre tour du monde? Aviez-vous déjà beaucoup voyagé avant de partir?
Alors nous dirions premièrement que nous sommes bretons ! Ah ah ! Nous avions 29 et 30 ans au moment du départ. Émilie travaillait depuis 6 ans en tant qu’infirmière puéricultrice à l’hôpital. Elle a démissionné pour partir. Taylor était professeur des écoles spécialisé auprès des élèves en difficulté scolaire, il a eu une disponibilité.
Taylor avait pas mal vadrouillé : Japon, Rio,…
Émilie un peu moins même si elle avait visité les DOM-TOM et quelques grandes villes européennes.
Nous nous connaissions depuis 3 ans avant le départ et avions peu voyagé ensemble. La première fois pendant une semaine de vacances en Italie en 2018. A la base on devait seulement voir Rome, mais on s’est découvert la même passion pour explorer les alentours en prenant les transports locaux. L’été 2019, on décide de partir randonner dans les Pyrénées. Notre tente et notre réchaud dans le coffre de la voiture, on prend définitivement goût à l’itinérance, aux randonnées dans les montagnes et aux bivouacs.
Pour que nos lecteurs puissent se faire une idée plus facilement, est-ce que vous pourriez vite partager avec nous l’itinéraire de votre voyage (pays, durée) et le budget que vous aviez avant de partir? Étant donné que vous êtes parti en plein COVID, est-ce que vous aviez prévu un itinéraire ou vous aviez plutôt décidé de voir au fur et à mesure?
Nous sommes partis en septembre 2020, après le 1er confinement. La situation sanitaire en France était plutôt stable après l’été, la vie avait bien repris, on en avait presque oublié le COVID.
On avait comme budget total 22 000 euros pour deux, pour l’année.
On a commencé par trois semaines en Grèce puis presque trois semaines en Bulgarie. Ensuite nous avions envisagé de passer un mois en Turquie, mais nous avons écourté à deux semaines car la situation sanitaire s’aggravait en Europe avec l’annonce du deuxième confinement . On a alors fuit en Amérique, d’abord au Mexique pour deux mois. Puis on a poursuivi par deux mois en Colombie, 5 semaines en Équateur, 3 semaines sur les Îles Galapagos, 6 semaines au Pérou, 5 semaines en Bolivie et on a terminé par 2 semaines en Espagne dans la région de l’Andalousie pour retrouver de la chaleur et reprendre un peu les habitudes occidentales avant le grand retour en France.
Nous n’avions pas du tout prévu d’itinéraire. Seuls les pays européens étaient accessibles lors de notre départ en septembre 2020. En Amérique il n’y avait que le Mexique qui était ouvert alors que l’Équateur ouvrait tout juste ses frontières.
Après la Grèce, on s’est clairement laissé porter. D'ailleurs, petite anecdote: on envisageait d’aller en Macédoine du Nord. On avait prospecté les lieux à visiter, les logements, et même une location de voiture. Tout sauf comment s’y rendre ... Au moment de prendre le bus pour Skopje, on se rend compte que les liaisons terrestres entre les deux pays n’ont pas repris à cause de la pandémie ! On était à la gare routière de Thessalonique, on a changé notre plan et on est monté dans le seul bus qui partait ce soir-là hors de Grèce : direction Sofia et la Bulgarie. Peut être pas un hasard, on venait d’arriver à Thessalonique en auto stop avec deux bulgares !
Une fois au Mexique, on regardait quels pays étaient ouverts dans les semaines avant le départ et on avisait selon les disponibilités. Il n’y en avait pas beaucoup et ça changeait régulièrement. Le Guatemala nous faisait de l’œil avec sa frontière terrestre ouverte, mais nous avons choisi la Colombie qui venait de rouvrir ses frontières aériennes. Ce pays faisait parti de notre liste de départ, et nous avions des connaissances sur place.
La situation de chaque pays était très changeante, on réservait nos billets d’avions toujours à la dernière minute. Par exemple, le Pérou a rouvert ses frontières en décembre puis les a refermées en janvier avant de les rouvrir en mars. Un vrai ascenseur émotionnel. Tous les matins, sur son téléphone, Taylor consultait les unes des journaux locaux pour suivre ces changements (il a drôlement fait progresser son espagnol). On regardait aussi les nouvelles sur le site tourdumondiste qui listait les ouvertures/fermetures des frontières du monde entier.
Finalement nous n’avons passé aucune frontière par voie terrestre hormis la gréco-bulgare et la bulgaro-turc. Il a toujours fallu prendre un avion, ça a quand même beaucoup influencé le trajet de notre voyage. On ne pouvait pas se permettre de changer trop rapidement de pays vu les coûts que ça engendrait.
Quelles étaient vos motivations / attentes pour partir faire le tour du monde? Y a-t-il eu un élément déclencheur qui a agi comme “déclic” pour vous lancer dans cette aventure? Il me semble Émilie que tu nous disais que c’était plutôt ton idée à la base...
Émilie : On a tous les deux eu envie de partir quelques mois après avoir eu nos diplômes autour de nos 20 ans mais on ne s’est pas lancés. (Peut être parce qu’on ne se connaissait pas encore !!)
C’est effectivement moi qui en ai parlé la première, environ deux ans avant notre départ, après nos premières vacances ensemble en Italie en 2018. L’idée et l’envie de partager une expérience folle comme un voyage au long court me donnait très envie.
Mais ce fut un non catégorique de la part de Taylor, il ne s’en rappelle pas, mais sa réponse avait été : "Si je partais maintenant, ça ne serait pas avec toi, mais avec un pote !" C’est drôle en y repensant aujourd’hui ! J’ai relancé le sujet un an plus tard pendant nos vacances dans les Pyrénées, et à ma plus grande surprise ce ne fut pas la même réponse !
On se projetait pour trois semaines de vacances au Pérou en juillet 2020, alors pourquoi pas carrément partir une année complète pour le continent Sud-Américain ? Le projet était lancé dans nos têtes.
Taylor : Effectivement, au premier abord, partager une telle expérience me faisait plutôt peur. Mais l’idée a germé progressivement dans ma tête jusqu’à ce qu’on se lance dans l’aventure pour de bon.
L’idée de passer un an en Amérique Latine me donnait très envie. La culture, les paysages, les Andes, l’espagnol, le football … Tant de choses à découvrir, c’était ma requête quand l’idée du voyage était lancée. Ne pas essayer de visiter le monde entier mais se concentrer sur ce continent qui me faisait tant rêver.
Souvent les réactions à l’annonce d’un tel projet sont assez contrastées… Comment ont réagi vos familles et amis quand vous leur avez dit que vous vouliez partir en tour du monde en plein Covid?
Émilie : Les réactions ont globalement été très positives surtout du côté de nos amis. Chez nos familles aussi, mais nos parents ne s’attendaient pas à une telle nouvelle. Ils s’imaginaient d’autres projets plus conventionnels comme l’annonce d’une grossesse.
Il y a eu aussi quelques doutes et craintes surtout par rapport au coût du voyage, nos boulots, et notre sécurité dans les pays étrangers. Mais votre livre « Destination Tour du monde » a répondu à bien des questions que se posaient ma maman !
Notre livre: si vous souhaitez acheter notre livre vous le retrouverez sur l site de la Fnac ainsi que sur leslibraires.fr
Taylor : Les réactions sont très différentes selon les personnes mais une fois passée la surprise de l’annonce elles ont quand même été très positives. Je pense que la phrase qu’on a le plus entendu était : « vous avez raison de faire ça maintenant tant que vous pouvez, tant que vous n’avez pas d’enfant ... »
On a réussi à faire une belle fête la semaine avant notre départ avec quasiment tous nos amis et comme la pandémie semblait presque derrière en cette fin août 2020 personne ne s’est trop inquiété par rapport à ça.
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Vous y retrouverez des guides pratiques ainsi que des récits de voyages et des beaux livres inspirants, bref de quoi être fin prêts à vous lancer dans l'aventure!
Avant le départ, est-ce que vous aviez des craintes / peurs par rapport à certains aspects de ce voyage? J’imagine que le Covid n’a pas dû vous aider à préparer ce voyage sereinement…
Émilie : Pour ma part je crois que ce dont j’avais le plus peur était qu’on ne rentre pas ensemble de cette expérience! Comme on se disait : ça passe ou ça casse. On en a énormément discuté. Un ami de Taylor nous avait dit qu’on était malade de tenter ça alors qu’on vivait sous le même toit seulement depuis quelques mois.
Forcément il y avait la peur de l’inconnu, mais les récits de voyageurs, les photos me faisaient tellement rêver! La pandémie ne nous inquiétait pas vraiment, on se projetait dans pleins de choses: faire un tour d’Europe, partir en saison dans les montagnes, partir en auto stop de la maison et voir où ça nous menait, faire le chemin de Compostelle, bref ça bouillonnait dans tous les sens. L’important au moment du départ était vraiment de pouvoir vivre différemment pendant un an, « un an sans toit » comme on avait appelé notre compte Instagram
Financièrement on avait réussi à mettre pas mal d’argent de côté, notamment grâce au premier confinement. On a réussi à louer facilement notre maison, on était plutôt serein de ce côté là.
Je me suis concentré dans la préparation du sac à dos, et de tout l’administratif autour du départ: Assurance voyage, banque...
Taylor : La plus grosse crainte pour moi était de ne pas réussir à vivre sur un autre rythme pendant un an et d’être obligé de rentrer à la maison plus tôt (à cause du COVID mais aussi à cause du mal du pays ou quelque chose du genre). Je pense que je l’aurais vécu comme une grosse défaite.
Nous avons passé les mois avant le départ à préparer notre sac et à suivre l’évolution de la situation sanitaire dans les différents pays. Il était très difficile de trouver des informations mais on a vite compris qu’il serait impossible de suivre notre “itinéraire” de base.
Du coup il a été totalement bouleversé par la COVID … Le projet était de démarrer en Argentine pour descendre en Patagonie, remonter par le Chili puis la Bolivie, le Pérou et la Colombie. Le tout en passant les frontières terrestres. Comme vous l’avez compris, le plan a bien changé au fur et mesure.
Vous avez attaqué votre voyage par la Grèce et la Bulgarie… J’imagine que le Covid n’est pas étrangé à ce choix. Souvent les backpackers partent directement à l’autre bout du monde au début de leur voyage.
Taylor : C’est effectivement un choix lié à la pandémie. Jusqu'à dix jours avant le départ, nous ne savions pas où nous allions aller. Tout ce qui nous importait était de réussir à passer un an en itinérance. Nous avons pris nos billets pour la Grèce car nos familles et même nos amis s'inquiétaient qu’on ne sache pas où on partait dix jours plus tard alors qu’on était censés partir pour un voyage d’un an ! Lors du choix de la destination, on a vu qu’il y avait la possibilité de s’offrir une belle ascension en Grèce avec le mythique mont Olympe, parfait pour tester tout notre matériel de trek.
Émilie : C’était drôle cette sorte d’impatience voir inquiétude de notre entourage. Du coup, un peu pour rassurer tout le monde, on s’est posé devant Google Flight un dimanche après midi, on a checké les destinations et surtout les prix. Athènes s’est trouvé la meilleure offre avec les meilleures projections pour la suite. On se disait qu’on pourrait remonter par la Macédoine du Nord (une lubie de Taylor), Albanie, Monténégro, Croatie, Slovénie, aller jusqu'à l’Autriche, pourquoi pas retourner en Italie et prendre un avion à Milan pour l’Amérique du Sud courant décembre. Ça a eu le mérite de nous projeter un peu plus et de rassurer tout le monde. Finalement, à peine trois semaines après notre départ, on a pas du tout suivi cet itinéraire!
Comment s’est passé le début de votre voyage? Je me rappelle de notre côté qu’on avait attaqué le voyage à 200 à l’heure pour ralentir au fur et à mesure…
Émilie : Oula oui, au début ça va très vite !
Taylor était très impatient de quitter la Grèce pour voir un autre pays, il avait d’ailleurs toujours un temps d’avance sur la réflexion d’où on allait aller après. On restait peu de temps dans les endroits, on enchaînait les randos, les visites, comme un rythme de vacances.
On a ralenti une fois arrivés au Mexique, les billets d’avion avaient coûté très cher (on les avait modifiés au dernier moment pour fuir le deuxième confinement) et on s’est rendu compte qu’on faisait des économies en voyageant lentement. En plus, on respectait notre dicton de départ : « prendre le temps de prendre le temps »
Taylor : Bizarrement, le début du voyage a été assez difficile psychologiquement. On avait l’impression de ne pas profiter à fond des moments. Il y avait beaucoup de frustration à ne pas réussir à se mettre en mode “voyage” tel qu’on l’avait imaginé. Les préoccupations, notamment sur la gestion du budget, prenaient le dessus par rapport au plaisir. Dans ma tête je pensais qu’une fois l'atterrissage effectué « la magie du voyage » opérerait et qu’on serait tout de suite dans le kiff. Finalement ça a mis du temps a se mettre vraiment en place.
Avec le recul on aurait peut-être dû anticiper un peu plus le premier mois au niveau logement et destination. On vivait un vrai ascenseur émotionnel, les moments de bonheur étaient décuplés mais les moments de frustrations également. On a appris à les gérer petit à petit.
Le quotidien lors d’un voyage au long cours est très différent du quotidien de salarié (ou même lors de vacances plus “classiques”), qu’est qui vous a le plus plu dans cette façon de voyager? Au contraire, est-ce qu’il y a des choses qui vous ont déplu?
Émilie : Je répète un peu ce que Taylor disait au dessus, au début faire face aux questionnements par rapport à notre budget a été difficile. On avait un grand inconnu : comment vivre avec 22 000 euros à deux pendant un an ?
On était en Grèce, je n’avais pas eu de vacances depuis plusieurs mois, l’envie d’aller boire un verre en terrasse était très forte pour ma part et donc d’autant la frustration de ne pas le faire par rapport au budget. Les trois premières semaines ont été un peu compliquées mais aucun regret au final parce que ces économies nous ont permis de pouvoir voyager le temps qu’on a voulu et de bien se faire plaisir à la fin. J’ai rattrapé mon quota de mojito en Amérique du Sud !
Cette expérience était incroyable, j’ai adoré avoir du temps, pouvoir me reposer quand j’en avais besoin, et découvrir presque tous les jours de nouveaux endroits.
Je regrette que nos proches n'aient pas pu nous rejoindre comme ils auraient aimé pendant cette année. On aurait aimé partager un bout d’aventure, leur faire découvrir comment on se débrouillait avec les locaux, dans les bus,… Tout ce qu’on ne peut pas montrer en photos ou en vidéo.
Taylor : Une des choses les plus marquantes par rapport au quotidien qu’on a ici en Bretagne c’est le fait de rencontrer de nouvelles personnes tous les jours. Que ça soit d’autres voyageurs croisés dans les auberges, des chauffeurs de taxi, des guides, des personnes tenant les lieux d’hébergement … Toutes ces rencontres qui font de tous les jours une journée différente et intéressante.
Quel plaisir également d’avoir le temps. De pouvoir se dire que si on ne fait pas quelque chose un jour, on le fera le lendemain. Que si un lieu nous plaît, on peut y rester 10 jours plutôt que les 3 jours qui étaient prévus. Ce qui fait la différence entre les vacances et le voyage au long cours
Ce qui peut-être plus difficile c’est le manque de repère, même si le sac à dos nous suit partout, et le manque de nourriture française. D'ailleurs le dernier mois en Bolivie 80% de nos conversations avec les autres voyageurs tournaient autour de ce sujet !
Comment avez- vous vécu le voyage en couple et le fait d’être pratiquement 24h/24 ensemble? Est-ce que ça a été un challenge parfois où au contraire tout s’est passé comme sur des roulettes?
Émilie : Je pense pouvoir répondre pour nous deux, ça s’est très bien passé ! Difficile à imaginer avant de partir, pour ma part ça me faisait peur. Alors effectivement ce n’est pas tous les jours facile. Mais ce voyage nous a permis de nous découvrir d’une autre manière, on a vécu des choses qu’on aurait jamais vécu dans une vie de couple de la « vie de tous les jours ». Je trouve que pendant le voyage les émotions sont multipliées, tout se ressent plus fort. Parfois juste avec une jolie chambre ou même découvrir que les sièges du bus s’allongent à 180 degrés quand on va y passer plus de 12h, c’était comme gagner la coupe du monde.
Dans les moments difficiles, de doutes ou de prise de décision, on a remarqué qu’on était vraiment une équipe et qu’on se compensait énormément. Pour nous le dialogue et la communication ont été les clés.
Taylor : C’était une des appréhensions avant le grand départ. On partait à deux en sachant que tout pouvait se passer. Même si nous espérions bien rentrer ensemble nous avions envisagé toutes les éventualités avant de partir. Finalement, malgré quelques disputes, tout s'est bien passé et je pense que nous avons progressé dans notre communication.
Et maintenant que le retour est fait, on se rend compte de toute l’expérience commune qu’on a. Parler du voyage n’est pas une chose simple avec les autres mais entre nous on peut s’y replonger et se comprendre.
Qu’est-ce qui vous a le plus émerveillé pendant votre voyage? Au contraire, qu’est-ce qui vous a le plus choqué?
Émilie : J’ai été choquée par la pauvreté dans certaines zones, notamment en Colombie. On a plusieurs fois vu au bord des routes des centaines de personnes, des familles entières avec leurs valises. C'étaient des Vénézuéliens qui fuyaient leur pays.
Choquée aussi par les systèmes de santé complètement différents qu’en France. En Équateur on a vu des bouteilles d’oxygène en vente dans la rue !
J’ai été émerveillée par la nature, la beauté des paysages tous différents, un grand coup de cœur face à l’immensité du Salar d’Uyuni et les milliers d’étoiles au-dessus de notre tête lorsqu’on s’est réveillé la bas. J’ai également été très émue face à la gentillesse des locaux, l’accueil très chaleureux qu’on a reçu des centaines de fois. Une rencontre m’a particulièrement touchée, c’était lors d’un trek jusqu’à la Ciudad Perdida en Colombie. On a discuté avec Petrona, une jeune femme indigène du peuple Kogis qui vit encore dans les montagnes de la Sierra Nevada de Santa Marta.
Taylor : Si je devais retenir un lieu d’émerveillement c’est la Cordillère Blanche au nord du Pérou où on a eu l’occasion de partir cinq jours en trek, réellement coupés du monde car nous n’avons croisé quasiment personne. Un réel émerveillement pour ces paysages du matin au soir.
Ce qui m’a le plus “choqué” c’est l’ambiance dans certaines villes du continent sud-américain, les inégalités très prononcées et l’insécurité qui se ressent réellement dans certains quartiers.
Concrètement, quel impact a eu le Covid sur votre voyage? (vie de tous les jours, organisation, tests, transports, accueil...) J’imagine que ça n’a pas dû être facile tous les jours… Mais d’un autre côté, vous avez certainement pu profiter de certains endroits très touristiques pour vous tout seul.
Émilie : En rentrant en Europe en juillet, on a été choqués par les restrictions en place. Mais pas choqués dans le bon sens… Ça faisait 9 mois qu’à chaque fois qu’on voulait rentrer dans un magasin ou dans un lieu public, quelqu’un était là pour nous désinfecter les mains, prendre notre température. Il y avait des bacs de désinfection pour les chaussures (souvent trop petits pour les pieds de Taylor ^^), parfois même des tentes de désinfection avec une pulvérisation de la tête au pied.
Au Pérou il fallait porter deux masques et une visière de protection dans les transports, en Colombie on pouvait rentrer dans le magasin que certains jours en fonction du numéro de notre carte d’identité (pair et impair)
Évidemment, selon le lieu (grossièrement campagne et ville), c’était plus ou moins respecté. Mais par contre, il y avait toujours quelque chose pour se laver les mains et les récipients n’étaient pas vides !
On n’a pas trouvé que c’était vraiment difficile, il faut se plier aux règles en vigueur dans les pays. Il y avait parfois des couvre-feux ou des confinements le week-end. Il fallait faire des tests antigéniques pour certains trajets de bus, mais tout était mis en place pour faire un test avant de monter dans le bus !
Globalement rien de trop embêtant. Finalement on a vécu la réalité de ce moment si particulier au cœur d’autres pays.
Un des côtés positifs était qu’il y avait peu de touristes et essentiellement des backpackers, donc on se retrouvait dans les mêmes auberges. Tout le monde connaissait un peu tout le monde. Il y avait une grande entraide grâce notamment aux réseaux sociaux. Au Pérou par exemple, les auberges de jeunesse qu’on visait tous étaient remplies. Par contre, les autres logements, type hôtel, un peu plus cher ne l’étaient pas du tout. C’était du coup très facile de négocier des gros rabais dans certains hôtels plutôt luxueux. On s’est fait quelques petits plaisirs. Notre plus belle négociation : payer 30 dollars une chambre affichée à 90 !
Taylor : Le principal impact a été lors des passages de frontières. En effet, les frontières terrestres étaient fermées au sein de l’Amérique latine pendant toute l’année 2021, il a donc fallu prendre l’avion + faire des tests PCR qui ont alourdi le budget.
D’un autre côté, la pandémie nous a permis de visiter des lieux dans des conditions uniques, notamment le Machu Picchu que nous avons visité un dimanche qui était le second tour des élections présidentielles péruviennes. On a été plus de 40 minutes, seulement nous deux sur la plate-forme d’observation. Une chance assez folle à en croire les gens qui travaillent là-bas.
A l’heure où la question de la protection de l’environnement est sur toutes les lèvres, pensez- vous que les bienfaits d’un tel voyage compensent ses effets négatifs sur la planète? (évidemment on est mal placé pour vous juger mais la question mérite d’être posée et votre avis sur le sujet nous intéresse )
Émilie : C’est sûr qu’en temps de pandémie avec les frontières terrestres fermées, on est très mal placé pour cette question environnementale.
Taylor : Le sujet environnemental nous a souvent interpellé dans les pays latins. Leur préoccupation est très très différente de la nôtre. Ils ne voient pas du tout le problème en mettant chaque légume dans un sac en plastique différent, certains ne comprennent pas du tout qu’on veuille ne pas utiliser de sac.
Il est aussi totalement normal de jeter son paquet de chips et sa cannette par la fenêtre du bus une fois qu’ils sont terminés. Mais quel impact cela a-t-il réellement sur la planète par rapport aux avions que nous avons pris ?
En bref on s’est effectivement posé beaucoup de questions mais nous avons assez peu de réponses…
On a beau avoir lu sur internet que le retour d’un tel voyage peut-être difficile, il n’est pas forcément facile de s’y préparer tant qu’on ne l’a pas vécu… Comment ça s’est passé pour vous le retour?
Émilie : On est rentré en surprise deux semaines avant la date qu’on avait fixée à notre départ. Pendant 3 semaines on a revu nos proches petit à petit en faisant des surprises, c’était incroyable !
Pour ma part j’ai trouvé que c’était difficile même si on avait tous les deux envie de rentrer. C’est une grosse étape, une sorte de deuil. On avait même par moment l’impression de ne jamais être parti ! Que ça avait été un rêve ...
Ça été difficile de voir Taylor repartir au boulot, lui tout était tracé, moi pas du tout. J’avais démissionné pour pouvoir partir.
Il a fallu quelques semaines pour s’en remettre. Le quotidien revient vite, c’est fou. On pensait pas que ca reviendrai si vite.
Taylor : Le côté surprise de notre retour nous a permis de garder la flamme et l’excitation du voyage pendant les trois semaines qui ont suivi. Que d’émotions de retrouver nos proches et surtout nos parents dans ces conditions.
La surprise nous a permis de rendre cette étape plus motivante, on était de retour en Bretagne mais quasiment jamais à la maison. Ce bonheur partagé des retrouvailles fait vraiment partie du voyage pour moi et je suis content qu’on ait réussi à le faire durer pour en profiter un maximum.
Sur les dernières semaines l’envie de rentrer commençait à pointer le bout de son nez. On avait comme la sensation d’en avoir profité à fond et qu’ajouter d’autres destinations à notre périple ne le rendrait finalement pas plus beau.
Si vous aviez une leçon à tirer de ce voyage, quelle serait-elle?
Émilie : On a de la chance d’être né en France et d’y vivre !
Taylor : C’est qu’il ne faut pas essayer de tout anticiper, on a souvent pris plus de plaisir face à l’inconnu que lors des choses qu’on avait trop anticipé. Par exemple, plus le temps passait et moins on allait sur les blogs et on ne regardait plus de photos avant les visites. On faisait confiance aux conseils donnés par les locaux ou les autres voyageurs et on était toujours positivement surpris.
Si vous pouviez revenir dans le temps et vous glisser un conseil juste après avoir pris la décision de partir en tour du monde: qu’est-ce que ça serait?
Émilie : Ne pas avoir envie de cocher toutes les cases, prendre le temps, accepter de ne pas pouvoir tout voir.
Taylor : Tout ne semble pas parfait sur le moment mais l’expérience est tellement folle : n’oublie pas de profiter de chaque instant.
Quelque chose à ajouter? Comptez-vous repartir un jour?
Émilie : Oui !!!! Mais peut-être pas de la même manière, pas forcément en sac à dos. Ça dépendra aussi du lieu où on ira. Peut être avec un véhicule ? Pas forcément un an non plus. Mais depuis le retour on a pleins d’idées en tête, rien de fixé, mais on sent qu’on a envie de repartir.
Taylor : Tout est dit : bien sûr qu’on repartira ! Depuis qu’on est rentrés on a plusieurs idées mais il faut prendre le temps de les trier. On a rencontré tellement de personnes et tellement de façons différentes de voyager, on sait que ça sera toujours possible à tous les moments de notre vie. A nous de nous en redonner les moyens.
Émilie et Taylor :Et un grand merci de nous avoir aidé dans la préparation de notre voyage grâce à votre blog et votre livre. Mine de rien ces lectures nous ont beaucoup fait avancer. Ça a été un vrai plaisir de pouvoir partager un moment avec vous peu de temps après notre retour.
Voilà c'est la fin de notre 5ème expérience de tourdumondiste. On remercie 1000 fois Émilie et Taylor d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions et de nous avoir accueilli si chaleureusement chez eux en Bretagne. On leur souhaite tout le bonheur du monde et aussi de magnifiques projets de voyage à venir.Et comme toujours, si vous avez des questions à leur poser, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous 😉
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Aurélie
Il y a 6 ans, nous partions pour notre deuxième tour du monde… Comme le temps passe vite ! Merci pour cette interview, qui m’a replongée dans ces périodes si particulières de nos vies, avec ses challenges et ses joies ! Et Bravo pour avoir réussi à voyager ainsi en temps de COVID, vous avez fait preuve d’une belle flexibilité ! Petite question, où ont été prises les photo avec les montgolfières ? Elles sont superbes.
Courage à vous pour le retour, qui n’est souvent pas une période si simple à gérer, et je vous souhaite plein de beaux voyages !!
Émilie et Taylor
Merci Aurélie pour ton commentaire !
Les photos avec les montgolfières viennent de Göreme en Turquie.
Benoît et Fabienne ont fait pleins d’articles sur ce lieu, c’était effectivement magnifique !
Pleins de beaux voyages à vous aussi
Émilie et Taylor
Francois Morand
J’étais en Amérique du Sud en 1974. J’ai rencontré un autre voyageur français qui a eu une réflexion similaire quant à la pauvreté :”On a de la chance d’être né en France”. Triste à dire mais rien n’a changé en presque un demi siècle.